Plateforme d’Enquêtes Militantes – Alliances en mouvement, retours sur le printemps 2018 : quelles suites ?

 

SAMEDI 20 OCTOBRE / 14h00-19h30 RENCONTRES ET DÉBATS

Organisé par la Plateforme d’Enquêtes Militantes

1. Syndicalismes de combat : 14h00-15h30

Catacombes on strike : Quand l’AG décide / Monoprix en lutte : Il n’y a pas de petite manif’ / Cheminott·es en grève : Déborder la grève perlée / Geodis-Calberson : Un blocage à 300 000 balles / Discussion

2. Nos alliances contre-attaquent : 16h00-17h30

Comité Adama : Prendre le cortège / Les Postier·es du 92 : Les alliances dans la grève / Action Antifasciste Paris-Banlieue : Fronts communs / Discussion

3. Open forteresses, les facs occupées : 18h00-19h30

Paris 8 contre toutes les sélections / La Commune libre de Tolbiac / EHESS : Brèche(s) ouverte(s) / Discussion

Apéro

Créée à l’automne 2017, la Plateforme d’Enquêtes Militantes est un groupe d’enquête et d’intervention dans les luttes, qui pratique la co-recherche et l’autoformation. platenqmil.com / @platenqmil pem-site@riseup.net

De l’année 2016, marquée par le combat contre la Loi Travail, au printemps 2018, la France a connu un climat d’effervescence sociale presque ininterrompu, caractérisé par la reprise de pratiques de lutte autonomes et transversales. Les prises de cortège de tête et l’offensivité en manifestation, les appels aux blocages et aux occupations, les leçons tirées de l’expérience de Nuit Debout ont posé des bases pour la suite. Le printemps 2018 a été un tournant significatif à la fois sur le plan stratégique et au niveau de l’évolution des formes d’organisation. Et pourtant, malgré la longue grève des cheminots, l’émergence de nombreux conflits dans plusieurs secteurs du monde du travail et la présence continue et diffuse du mouvement étudiant, les attaques néolibérales de Macron n’ont pas été repoussées : après la Loi Travail et les ordonnances, le pacte ferroviaire a été approuvé et la réforme scolaire est toujours à l’œuvre. Le modèle de résistance syndicale se révèle une fois de plus impuissant vis-à-vis des restructurations politiques et économiques imposées par la crise. Avec un certain retard, la France s’inscrit dans les enjeux de lutte déterminés par les rapports de force européens.

En ce sens, le mouvement de 2018 n’a pas simplement représenté une énième défaite sociale : il a aussi été un moment d’accumulation d’expériences. Cela a pu permettre de consolider des liens et de dépasser certaines limites qui avaient hypothéqué le mouvement de 2016. Les places de Nuit Debout avaient vu s’exprimer, de manière vague et peu concluante, des exigences de démocratie et d’auto-organisation : ces enjeux sont réapparus dans certaines occupations étudiantes, montrant des modalités d’organisation politique plus concrètes et horizontales, capables de se reproduire pendant plusieurs mois. Ces espaces ont permis des rencontres avec des travailleurs.es en grève et l’organisation commune d’actions contre des cibles spécifiques. Les facs occupées, en s’inspirant des ZAD, sont ainsi parvenues, à certains endroits, à devenir des lieux de concentration et de diffusion de force. A leur tour, les différents secteurs en lutte sur les conditions de travail, la répression antisyndicale ou la restructuration de l’État providence ont montré une capacité à se soutenir les uns les autres, en construisant des liens avec les mobilisations de la jeunesse précarisée.

Le cortège de tête, dont l’importance a été décisive en déjouant la ritualisation des manifs, a rencontré ses propres limites quant il a été lui-même ritualisé puis violemment réprimé, notamment le 1er mai. Si le calendrier des manifestations syndicales a été moins intense par rapport à 2016, la répétition de la pratique du blocage (action sur la plateforme logistique de Geodis en avril, blocage des examens…), tout comme les actions contre les cibles symboliques du pouvoir macronien (occupation de la station F), ont montré une capacité d’initiative autonome. Certes pas à la hauteur des défis du présent, mais néanmoins prometteuse. Bien que partiel, le dépassement de certaines frontières sectorielles mérite à notre avis d’être analysé et débattu, tant dans son contenu que dans ses formes.

Pour résumer, les défaites de 2016 et 2018 imposent la nécessité de réfléchir à moyen terme dans la perspective d’une prolifération et d’une connexion dynamique des foyers de lutte. Loin d’un appel à une abstraite « convergence », les alliances qui se sont constituées depuis deux ans nous incitent à penser d’un point de vue stratégique aux enjeux et aux limites auxquelles nous nous sommes confrontés. Il nous faut également comprendre et renforcer les formes de coordination émergentes et les nombreuses possibilités d’expérimentation sociale et politique dont elles sont à la fois le vecteur et le résultat.

Deux cas à titre d’exemple. D’un côté, on a vu des salarié.es de divers secteurs venir renforcer les rangs des étudiant.es qui bloquaient les examens pour empêcher l’application de la Loi ORE sur la sélection, mais aussi plusieurs actions sectorielles menées à travers une coordination entre étudiant.es, précaires, chômeurs.euses, cheminot.tes, hospitalier.ères ou travailleur.euses de la logistique, avec les occupations de facs ou les AG dans les gares comme espace névralgique. De l’autre, le Comité Adama, pour faire face à une répression judiciaire et carcérale inouïe et pour obtenir enfin « Vérité et Justice », a proposé une stratégie de lien actif avec le monde du travail et avec les collectifs autonomes, en soulignant la continuité entre les luttes dans les domaines les plus précarisés du prolétariat (comme le nettoyage), les campagnes contre les crimes policiers et le racisme structurel qui sévit dans toutes les sphères de la vie sociale.

Ces pratiques constituent nos contre-attaques face à un État toujours plus autoritaire et face à un projet néolibéral toujours plus radical et agressif. La séquence ouverte par l’institution de l’État d’urgence et l’approbation de la Loi Travail puis prolongée par les ordonnances et les autres réformes macroniennes a vu l’aggravation de la crise des centrales syndicales et un nouveau durcissement des conditions de vie dans les quartiers populaires. C’est dans ce contexte qu’ont émergé des bases syndicales très combatives. Dans le même temps, des comités de « Vérité et Justice » contre les crimes policiers ont su imposer au mouvement la question du racisme structurel.

Pour nous, ces différents collectifs en lutte montrent des volontés de retrouver des formes d’action efficaces et de tisser des alliances qui permettent de sortir de l’isolement. Le renforcement et la propagation des luttes à partir des différents foyers de mobilisation représentent un horizon fondamental du travail politique actuel.

Malgré son rôle de pilier de l’axe néolibéral européen, le gouvernement Macron souffre aujourd’hui d’une perte de consensus directement proportionnelle à l’attaque qu’il mène sur tous les fronts. Les mobilisations de 2016 et 2018 d’une part et d’autre part, le scandale causé par l’affaire Benalla ont fortement affaibli la figure d’un président élu avec des taux d’abstention record. Les réformes à venir du système de protection sociale (retraites, logement, chômage, pôle emploi) appuient encore plus la nécessité d’accentuer et d’accélérer ces dynamiques de recomposition sociale qu’on a vu à l’œuvre depuis le printemps dernier.

C’est pourquoi la Plateforme d’Enquêtes Militantes propose une journée de rencontres et de débats le samedi 20 octobre à 14h00 à la Parole Errante. Il s’agit d’une occasion importante pour revenir sur la mobilisation de l’an dernier et pour penser à celles à venir : un moment d’analyse collective, à partir des expériences concrètes de lutte, afin de réfléchir à nos formes d’organisation et d’approfondir nos alliances.

 

Publié le 15 octobre 2018 dans Évènements à la Parole Errante