Après « tout » : reprendre les grands récits ?
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Après « tout » : reprendre les grands récits ?
Cette sixième séance sera consacrée à l’approche d’une tension, relevant à la fois du domaine de l’expérience politique et du domaine de la philosophie. Cette tension, au cœur des problématiques du séminaire, pourrait être résumée ainsi : si les subjectivations politiques sont à comprendre dans leurs singularités, nombre d’initiatives politiques contemporaines souffrent d’être laissées à cet état de singularités dispersées. En découle un désir de nouer des liens entre sites politiques, entre collectifs, entre mouvements, entre problématiques. Dans nombre de cas, ce travail de liaison est passé par la pratique du récit, voir par le recours tantôt explicite, tantôt implicite, à la « mytho-poïèse ».
Ce retour est d’autant plus significatif que tant les « grands récits » que l’appel au mythe ont été les cibles de critiques vives depuis la fin des années 1970. Ces critiques visaient le problème du « tout » : la réduction des singularités à des cas particuliers d’une totalité écrasante et, au final, excluante. Sur le terrain narratif, cette totalisation se manifeste par l’intégration d’événements à des schémas explicatifs et historiques englobants et étouffants. Ces schémas dessinent ensuite une totalité qui apparaît comme le fondement, comme l’arkhè, des événements racontés. Comment et pourquoi, après « tout », renouer avec la pratique des grands récits informés des sciences sociales et de l’idée de « mytho-poïèse » ?
Je traiterai cette question en me concentrant sur l’écriture de « grands récits » historiques qui se veulent spécifiquement an-archiques — sans arkhè, sans fondement, sans logique de domination dans la structure du récit. Pour bien cerner cette difficulté, dans un premier temps, je rappellerai dans sa spécificité la critique des « grands récits » de J.-F. Lyotard. Je montrerai dans un second temps comment J. Rancière a élaboré une écriture historienne « anarchique » qui sympathise avec l’idée de mythe, mais au prix de se tenir à distance des « grands » récits. Pour finir et par contraste, je présenterai l’oeuvre de D. Graeber (notamment son livre posthume coécrit avec D. Wengrow), riche en grandes fresques historiques. Avec cette traversée, j’aimerais souligner l’importance de renouer ces histoires attentives à la fois aux subjectivations politiques et aux espaces-temps de longue durée, aux entités « sociales ».
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Présence : à la Maison des écritures et des revues, 9 rue François Debergue, Montreuil. Salle de réunion au rez de chaussée, au fond à droite.
Visio : le lien visio sera trouvable sur cette page web : https://ciph.org/spip.php?page=activite-detail&idevt=1182