Rencontre avec l’anthropologue Eduardo Viveiros de Castro
Lancement et présentation de « Politique des multiplicités; Pierre Clastres face à l’État » (éditions Dehors)
15h – Entrée libre
À l’occasion de son passage en France, le café-librairie Michèle Firk vous invite à rencontrer (en dernière minute) l’anthropologue brésilien Eduardo Viveiros de Castro qui présentera la traduction d’un de ses ouvrages qui paraît aux « éditions dehors » le 24 octobre (la présentation se fera en français).
La rencontre aura lieu dans la grande salle de la Parole Errante et sera suivie d’une discussion et d’un pot amical pour fêter la sortie du livre.
Politique des multiplicités. Pierre Clastres face à l’État (paraît le 24/10/2019)
160 pages
Postface et traduction du portugais par Julien Pallotta
http://www.editions-dehors.fr/
« Pierre Clastres (1934-1977), lance un défi à l’ethnocentrisme de la raison politique occidentale : et si les sociétés amérindiennes, accusées par les colonisateurs européens d’être « sans foi, ni loi, ni roi », ne manquaient de rien ? Et si elles formaient, plutôt que des sociétés « sans État », des sociétés « contre l’État » ? Toute l’œuvre de Clastres va explorer les conséquences de ce changement de perspective. Dans cet essai Eduardo Viveiros de Castro se propose d’interroger l’intempestivité de l’œuvre de Clastres et de son énoncé principal : « la société contre l’État. »
Quels déplacements opérer dans cette pensée pour la réactualiser à une époque, où les mouvements des peuples autochtones imposent que nous passions « du silence au dialogue », et la crise environnementale globale suppose que nous repensions nos manières d’habiter la Terre. Viveiros de Castro montre ce que l’anthropologie peut nous apporter en suivant la voie d’un « devenir-Indien » du concept et de la politique. »
Peu de textes de Viveiros de Castro sont disponibles en français, sauf :
L’anthropologue n’est plus en position de surplomb par rapport à un «objet», mais fait de son terrain le lieu d’une expérience de pensée radicale qui ne recule devant la remise en question d’aucun fondement. L’anthropologie devient une métaphysique qui ne se distingue de la traditionnelle que par un trait, certes essentiel : elle fait plus confiance en la vertu du plus étranger pour « penser autrement » que dans le génie isolé du penseur de cabinet, ressassant interminablement une tradition narcissique.
Arrêt de Monde, qu’il a co-écrit avec Deborah Danowski dans le recueil actuellement épuisé paru aux éditions Dehors « De l’univers clos au monde infini »
Une vidéo d’une de ses conférences est en ligne:
https://www.canal-u.tv/video/fmsh/perspectivisme_et_animisme_debat_avec_philippe_descola.30901
Et une recension de « Métaphysiques cannibales » est sur la revue terrestres:
Le texte « Arrêt de monde », qui explore notamment les différents discours actuels sur la fin du monde, a été particulièrement lu et discuté. On y trouve la notion centrale de perspectivisme :
« La forme corporelle externe d’une espèce (fréquemment décrite comme un «habit») est la façon dont cette dernière est vue par les autres espèces. Ainsi, quand un jaguar regarde un autre jaguar, il voit un homme, un Indien, mais quand il regarde un homme – ce que les Indiens voient comme étant un homme –, il voit un pécari ou un singe, puisque ce sont là les gibiers les plus appréciés par les Indiens amazoniens.
Ainsi, tout existant dans le cosmos se voit lui-même comme humain ; mais il ne voit pas les autres espèces comme tel (ceci, inutile de le souligner, s’applique également à notre espèce). L’« humanité » est à la fois une condition universelle et une perspective locale, strictement déictique et auto-référentielle.
Des espèces différentes ne peuvent occuper le point de vue du « Soi » en même temps : dans la rencontre entre deux espèces, il y en a forcément une qui doit finir par imposer son humanité, c’est-à-dire par pousser l’autre à «oublier» sa propre humanité.
Nous, les humains (c’est-à-dire nous les Amérindiens) ne voyons donc pas les animaux comme des humains. Ils ne sont pas humains-pour-nous ; mais nous savons qu’ils sont humains- pour-eux. Nous savons également que nous ne sommes pas humains-pour-eux, et qu’ils nous voient, eux, comme des proies, des fauves prédateurs, de puissantes tribus ennemies ou des esprits cannibales, selon la position relative qu’ils occupent dans la chaîne alimentaire. »
En outre, La perspective d’un monde sans nous, un certain usage du terme anthropocène, apparaît dans ce texte comme un autre signe de l’orgueil de « l’homme » (occidental) fasciné par sa propre perspective et pseudo toute puissance.
« De manière très simple, nous pouvons partir de l’opposition entre un «monde sans nous», c’est-à-dire un monde après la fin de l’existence de l’espèce humaine ; et un « nous sans monde », une humanité sans monde, la subsistance de quelque forme d’humanité ou de subjectivité après la fin du monde. Mais, comme nous l’avons vu, penser la future disjonction des termes évoque irrésistiblement l’origine de sa conjonction présente et précaire. La fin du monde rétroprojette un commencement du monde ; du même coup, le destin futur de l’humanité nous transporte vers sa genèse.
L’existence du « monde avant nous », bien qu’elle soit considérée par certains comme un défi philosophique, ne semble pas difficile à imaginer. Mais la possibilité d’un « nous avant le monde », la préexistence ontocosmologique de l’humain au monde, est une figure moins usuelle dans la vulgate mythologique occidentale. Nous verrons qu’elle est en revanche une possibilité largement explorée par la pensée amérindienne. »