Les empires fossiles – Rencontre avec Andreas Malm et Mohamad Amer-Meziane
« Sur la piste du Covid-19, les chauves-souris restent le suspect n°1 des virologues dans la transmission du virus à l’homme. Mais d’autres facteurs, bien humains, ont contribué à abolir la « barrière des espèces » et à propager l’épidémie dans le monde entier : la déforestation accélérée, le commerce lucratif des animaux sauvages, l’explosion du trafic aérien et le réchauffement climatique. Ce livre décrit les mécanismes par lesquels le capital, dans sa quête de profit sans fin, produit le risque épidémique comme l’effet de serre, sans fin. À l’échelle microbienne comme atmosphérique, l’urgence est devenue chronique – et ne rien faire serait fatal. » (La chauve-souris et le capital, Andreas Malm)
« Qu’ont dit, écrit et fait les partis nationalistes en matière d’écologie et de climat durant les deux dernières décennies ? Devant l’abondance de preuves scientifiques, ils ont nié le réchauffement et se sont placés en défenseurs de l’industrie fossile. Dans son ensemble, l’extrême droite abhorre les éoliennes, s’oppose aux accords climatiques et nourrit de théories conspirationnistes sa détestation des mouvements écologistes. Même quand elle se revendique d’un « nationalisme vert », ses positions restent en toutes circonstances déterminées par la défense du territoire et son obsession de l’immigration. » (Fascisme Fossile, Andreas Malm)
« Nous dressons nos campements de solutions durables. Nous manifestons, nous bloquons, nous adressons des listes de revendications à des ministres, nous nous enchaînons aux grilles, nous nous collons au bitume, nous manifestons à nouveau le lendemain. Nous sommes toujours parfaitement, impeccablement pacifiques. Nous sommes plus nombreux, incomparablement plus nombreux. Il y a maintenant un ton de désespoir dans nos voix ; nous parlons d’extinction et d’avenir annulé. Et pourtant, les affaires continuent tout à fait comme avant – business as usual. À quel moment nous déciderons-nous à passer au stade supérieur ? » (Comment saboter un pipeline? Andreas Malm)
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L’épidémie de Covid-19 est l’exemple le plus frappant des crises d’adaptation de l’accumulation capitaliste face au changement climatique et aux conséquences des désastres du capitalisme fossile. Le risque épidémique est désormais une nouvelle dimension de la catastrophe. Bien que toujours partiellement repoussée, la fin d’un monde habitable devient une certitude quotidienne et pourtant il faut vivre avec. Il faut continuer malgré tout et voir que de la crise actuelle, l’industrie automobile, l’industrie pétrolière, bref toute l’industrie fossile sort renforcée des subventions et soutiens à la croissance économique, elle-même cause du désastre… « Que les choses continuent comme avant, voilà la catastrophe » comme disait déjà Walter Benjamin.
Il se pourrait qu’il nous faille au plus vite comprendre l’histoire du capitalisme fossile, les réponses fascistes qu’ils provoquent et l’histoire au long cours de l’anthropocène contre l’Histoire. Les débats tactiques doivent avoir lieu, tout autant que les partages d’expérience pour apprendre les mille et une façon de saboter un pipeline.
Pour prolonger ces questions, nous recevrons le mardi 8 juin en compagnie d’Andreas Malm, Mohamad Amer-Meziane qui vient de publier (aux éditions La découverte) « Des empires sous la terre » qui ajoute à l’analyse de l’impérialité du pouvoir moderne la notion de Sécularocène.
« Ce livre a pour ambition d’écrire cette histoire de la sécularisation comme un prélude à une histoire souterraine de l’Etat et du capital, de saisir son énoncé comme un ordre appelant à réaliser les religions ici-bas en transformant la nature par l’industrie. Les empires sous la terre sont ceux qui, voulant faire s’échouer le ciel ici-bas, bouleversent la Terre même en décimant les vies qui s’opposent à leur règne. La sécularisation n’est pas le déclin de la religion mais la naissance d’un nouvel ordre climatique, d’une nouvelle époque géologique. La «sécularisation» est l’avènement du Sécularocène. » (Mohamad Amer-Meziane)
La rencontre sera suivie d’une discussion et d’un pot amical (en maintenant des courants d’air). Venez-donc !