Atelier des Désaxé.e.s // Projection du film « Pénélope mon amour » de Claire Doyon
Mardi 11 avril à partir de 19h30 nous vous invitons à la projection de « Pénélope mon amour » (88′, 2021), film documentaire réalisé par Claire Doyon, suivi par une discussion avec la réalisatrice. Au plaisir de vous retrouver !
Récit lumineux à la première personne, « Pénélope mon amour », sans virgule ni point d’exclamation, traverse en pointillés et fulgurances dix-huit années de la vie de la cinéaste et de sa fille, diagnostiquée d’une forme sévère d’autisme vers l’âge de 2 ans. […]
Ça commence comme un film de vacances sur une plage ensoleillée, le ventre arrondi et les baisers mouillés. Puis des images, banales et universelles, de la petite enfance, qui conservent la trace des premières fois. C’est sur une photographie que Claire Doyon découvre un jour la différence de Pénélope. La caméra sera dès lors cette chambre aux mystères qui fait voir ce qu’on ne perçoit pas clairement avec les yeux.
Ni simple témoin, ni instrument qui permettrait de prendre de la distance, elle ouvre cet espace intermédiaire où s’invente un langage commun, accordé au mutisme de Pénélope et à la chorégraphie aussi chaotique que poétique de ses gestes. Ce qu’accomplit ici la cinéaste, ce n’est plus exactement filmer, c’est autre chose.
« C’est […] à ce qui pourrait avoir lieu dans et de par cette petite chambre toute noire dans son dedans qu’il faudrait veiller, quitte à inventer un infinitif qui pourrait être camérer », écrivait Fernand Deligny.
« Camérer », c’est-à-dire apprendre à voir à travers les yeux d’autrui, reconnaître sa différence et en faire le point de départ d’une aventure de la perception. […]
Pour Claire Doyon la caméra est aussi « un bouclier qui nous protège du regard des autres […], [une] arme qui [lui] permet de résister. » Et sans doute son film d’amour et de rage mêlés est-il aussi un antidote à la solitude des mères d’enfants porteurs d’autisme. Il dit sa colère face aux institutions médicales et éducatives qui, par manque de moyens ou par négligence, ne savent ni soigner, ni accueillir la différence de ces enfants ; il dit la violence des diagnostics qui condamnent une mère à « faire le deuil de son enfant » alors même que celle-ci se tient à ses côtés ; il dit le désespoir d’un combat perdu d’avance et qu’il faut pourtant mener seule.
Par-dessus tout, « Pénélope mon amour » est un film sur le courage obstiné d’une mère qui, réfutant les diagnostics, s’interroge sur le modèle des institutions que nos sociétés « normopathes » ont érigé en le fondant sur l’exclusion de celles et ceux qui ne s’y soumettent pas. […]
Extraits de « Cahiers de cinéma »https://www.cahiersducinema.com/actualites/critique-penelope-mon-amour/