.

Après neuf ans d’enfermement psychiatrique à Rodez, en 1946, voilà qu’Antonin Artaud est enfin libre, installé dans une maison de santé à Ivry d’où il peut entrer et sortir à sa guise et où, effréné, il écrit plus de mille pages de cahiers, les «Cahiers d’Ivry». Avec une force poétique explosive inédite, il revendique comme jamais le corps de l’homme, un corps atomique, infini, inaliénable, indestructible. Il y assigne une nouvelle fois « le théâtre » comme moyen et nécessité de passage forcé en vue de la « transmutation » de l’homme et de la société qui s’impose.
C’est dans sa chambre sur le bord de la cheminée, ou frappant un billot, qu’Artaud martèle ses mots tel un forgeron. Ce qui nous saisit alors dans cette forge c’est la force de son souffle de vie et au détour d’une page, ce message : 

« pour qu’un homme qui recherche comme moi une vérité et une mécanique perdue les retrouvent comme je les ai cherchées »

Nous avons à notre tour cherché, dans nos corps d’aujourd’hui, à retrouver le souffle vital auquel son écriture nous éveillait.

Au mois de Novembre 2020 le Collectif des Rhizomiques proposait à la Parole Errante, en réponse à l’enfermement et à la dépossession de nos corps du deuxième confinement, un atelier Labo Experiment théâtre ouvert à tous et qui a débouché en juillet 2022 sur un spectacle mêlant Artaud à d’autres écritures. Parallèlement, une autre forme, plus expérimentale de choix des «Cahiers d’Ivry» seuls, s’est imposée à nous ; l’enregistrement (lecteur audio ci-dessus) est un premier aboutissement de ce travail aux sorties des résidences de création – à la Fonderie du Mans puis à l’Échangeur de Bagnolet au mois d’aout 2022.

Par le Collectif des Rhizomiques - Barnabé Perrotey et Olga Jirouskova